Israël/Palestine : sortir du prisme moraliste
Lors d’une brève rencontre avec François Bégaudeau il y a quelques mois, j’avais eu le plaisir de l’interroger sur le concept novateur du « débat de merde » — ces sujets de société où toute prise de position se mue fatalement en défense de l’indéfendable. L’attaque du Hamas contre Israël semble bien en présenter toutes les caractéristiques : comment condamner l’attaque sans fermer les yeux sur la colonisation illégale de la bande de Gaza ? Comment la justifier sans se retrouver aussitôt complice d’enlèvements et d’exécutions de civils ?
⚠️ Le traitement de ce sujet par ACAB Press est focalisé sur les enjeux globaux et le traitement médiatique du conflit. En comparaison des vies humaines détruites sur place, ces propos sont anecdotiques, et le devoir d’humanité nous impose de penser avant tout aux victimes civiles, quel que soit le camp auquel elles appartiennent. Les lecteurs ne souhaitant pas être exposés à des propos plus nuancés sur ce sujet sont invités à ne retenir que cet encadré.
François Bégaudeau proposait, face à de telles questions, de changer d’angle. Quelle serait une analyse matérialiste du problème ? À n’en pas douter, elle se focaliserait sur les dynamiques d’oppression, sur une situation où un gouvernement d’extrême droite impose ce qui est globalement reconnu comme un régime d’apartheid, où la distribution d’eau et d’électricité se fait au bon vouloir d’un état raciste. Contre-Attaque et Frustration Magazine ont suffisamment documenté la réalité matérielle de la situation pour qu’il ne soit pas nécessaire de revenir sur les faits.
Dès lors, quelle position adopter ? On peut déjà en procédant par élimination rejeter la posture moraliste sur laquelle notre classe politique s’est précipitée. Celle-ci a le malheur de révéler notre hypocrisie au grand jour : nous qui nous indignions de la violation du droit international au sujet de l’Ukraine, nous avons toujours fermé les yeux sur celles qui se déroulaient en Palestine. Le reste du monde n’est pas dupe, il a bien compris (depuis la guerre en Irak) que le droit international s’applique prioritairement aux populations blanches.
La véritable question posée par le déclenchement de cette guerre, celle que nos médias refuseront obstinément d’examiner, est celle de la violence politique. À partir de quel moment est-il légitime d’employer la force pour résister à l’oppression ? Quels critères permettent de catégoriser un mouvement comme révolutionnaire, émeutier ou terroriste ? Comme l’ont montré les mouvements sociaux traversés ici ces dernières années, nous-mêmes sommes loin d’avoir apporté des réponses sur ces sujets épineux.
Quels que soient les qualificatifs retenus, la seule manière de mettre fin au conflit Israëlo-Palestinien est connue de tous : mettre fin à l’apartheid. Début 2022, une amie palestinienne avait tenu les propos suivants — ils m’avaient frappé :
Je suis évidemment très heureuse de constater l’élan de solidarité envers le peuple ukrainien. Mais je dois reconnaître aussi qu’ici, nous l’avons vécu comme un coup de poing dans le ventre. Pourquoi pas nous ?
Puisque nos politiciens semblent incapables de rendre justice à la complexité intrinsèque du sujet, peut-être pourraient-ils se rabattre sur une solution de rechange pour mieux aborder ces « débats de merde » : juste la fermer.
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